Partie 2 : Bhavacakra, les six domaines de l’existence
Cette deuxième partie de l’article sur la roue de la vie nous replonge dans l’univers du bouddhisme tibétain. Il fait suite à la présentation générale ainsi que la description des cercles centraux de la roue de la vie. Voir l’article Bhavacakra, partie 1.
Avec ce cercle nous abordons deux points importants pour comprendre la vision bouddhiste de l’existence. Tout d’abord, la vie peut apparaître sous un grand nombre d’aspects, qu’il s’agisse de la condition humaine ou encore de la condition animale, ou que ce soit dans d’autres mondes comme les mondes divins ou les enfers qui sont imbriqués ou parallèles. De plus, chaque individu se réincarne de nombreuses fois, poussé par son karma, c’est à dire les actes positifs ou négatifs qu’il aura commis et qui le conduiront vers d’autres existences heureuses ou malheureuses.
Le troisième cercle : les 6 domaines de l’existence
Ce cercle est, quant à lui, formé de six sections. Elles représentent les six conditions de la conscience, fruit du karma et dans lesquelles les individus peuvent reprendre naissance.
1. Le monde des dieux : les dieux jouissent d’une vie bien plus longue qu’une vie humaine. Les plaisirs des sens y sont décuplés. Ils vivent une vie de plaisir. Ils n’en restent pas moins mortels.
2. Le monde des demi-dieux : ils jouissent également d’une vie plus longue et de plaisirs des sens supérieurs aux hommes. Toutefois ils sont très belliqueux, et surtout très jaloux du monde des dieux. Parfois les dieux et demi-dieux sont réunis dans une seule section.
3. La condition humaine que nous connaissons.
4. Le monde des animaux, qui souffrent parfois de faim, de l’exploitation, qui vivent dans la peur.
5. Le monde des esprits avides tourmentés par la faim et la soif. Ils sont représentés avec un gros ventre et une toute petite bouche.
6. Le monde des enfers qui peuvent être froids ou chauds. C’est le monde le plus douloureux du samsara*. C’est du fait de leur karma négatif que les êtres subissent pendant de très longues périodes de grands tourments dans cette condition d’existence.
On peut imaginer l’impact que pouvait produire de telles représentations à l’époque !
Enseignement possible à propos de cette roue
Les termes d’enfers, de séjours divins, d’esprits avides peuvent surprendre et l’on peut se sentir complètement étranger à ce type de vocabulaire. Toutefois en ouvrant notre regard à ce qui se passe actuellement en Europe et sur le reste de la terre, nous pouvons nous faire une idée assez précise de ces termes. Ne peut-on parler d’enfer lorsque l’on se retrouve sous un déluge de bombes ? L’avidité conduit à l’exploitation déraisonnée des richesses de la terre. Des animaux sont élevés en batterie sans aucun respect pour leur sensibilité. Quelques personnes vivent dans leur bulle paradisiaque. Paradisiaque ou égotique ?
La section des six domaines de l’existence constitue un éclairage imagé sur notre monde intérieur en lien avec les émotions. Le mot « existence » a ici le sens d’avoir une réalité, or cette réalité est bien concrète lorsque les émotions nous traversent. On peut constater qu’elles varient au cours d’une même journée, tels des mondes différents qui se succèdent. Elles peuvent avoir différentes nuances et différentes intensités. Celles-ci peuvent survenir à l’occasion d’un contact avec le monde extérieur, comme une parole qui déclencherait ma colère. Elles peuvent aussi être suscitées par ce qui se passe en nous, une pensée, un souvenir. Souvent la pensée renforce l’histoire de l’émotion. C’est une manière de valider « mon existence », comme une forme « d’addiction » à l’un des six domaines d’existence.
Quand je sens une émotion, je peux tourner mon attention vers l’intériorité. Dans ce geste, le regard s’affine, très souvent il y a une histoire qui justifie l’émotion et qui l’entretient. A ce stade, si je peux lâcher l’histoire et juste venir goûter les sensations, je peux découvrir avec étonnement qu’il ne reste qu’un mouvement et souvent plus rien du tout en terme émotionnel. Toute la charge émotionnelle a disparu, car cette charge était entretenue par les pensées et non par le jaillissement de la vie nommé émotion.
On ne peut pas enjamber cette étape, celle de la discrimination. C’est à cet endroit que va commencer à se dévoiler le mécanisme de compréhension et notamment le mécanisme de la souffrance.
Retrouvez la suite de l’explication de la roue de l’existence dans sa partie 3 le cercle d’interdépendance.
Annie
Nous remercions Caroline pour sa relecture.
Crédit Photo: Joël Rouby, avec mes remerciements chaleureux.
*Samsara : notion commune à toutes les traditions de l’Inde, littéralement « existence cyclique ». Ce qui transmigre d’une existence à une autre où le continuum de conscience, soumis à son karma renaît dans différentes conditions de la conscience.
Bibliographie
Alain Grosrey, Grand Livre du Bouddhisme, éd. Albin Michel 2007.
Philippe Cornu, Dictionnaire Encyclopédique, éd. Seuil 2001.
Tcheuky Sengué, Le temple tibétain et son symbolisme, éd. Claire Lumière 1998.
Les cours du Collège d’étude Bouddhiste que j’ai suivis durant quatre ans, avec beaucoup d’assiduité tant les cours d’Alain Grosrey étaient passionnants.