Partie 1: La roue de la Vie Bhavacakra
L’antichambre des temples tibétains accueille les visiteurs dans un lieu orné de peintures murales. Dans un précédent article je vous expliquais la symbolique du chemin de Samatha. L’article d’aujourd’hui est consacré à l’explication de la roue de la vie. Cette roue est un trésor d’enseignements. Pour une meilleure compréhension, trois articles lui sont consacrés à celle-ci. Bhavackra, les six domaines de l’existence et le cercle d’interdépendance.
On dit que Bhavacakra, la roue de l’existence ou la roue de la vie, vient d’une vision de Maugallana l’un disciple du Bouddha, c’est un thème didactique majeur.
Cette roue de la vie est composée de trois cercles concentriques, parfois quatre et se lit dans le sens des aiguilles d’une montre. Les représentations varient d’une fresque à une autre selon l’artiste qui l’a réalisée.
Dans l’arrière plan
Ce que l’on note dès le premier coup d’œil c’est que la roue est enserrée dans les griffes d’un monstre nommé Yama. Il symbolise la mort ou l’impermanence. Son regard est courroucé. Il porte une couronne de crânes et il tient la roue entre ses mâchoires aux crocs acérés et ses griffes. De part et d’autre de la tête de Yama, un soleil à droite et une pleine lune à gauche sont représentés. Dans l’angle supérieur droit, un Bouddha est debout dans les nuages. Parfois il montre du doigt une roue à huit rayons. Celle-ci symbolise l’enseignement du « noble octuple sentier » : c’est le chemin médian qu’enseigna le Bouddha pour atteindre l’éveil. D’autres fois il pointe un soleil et une lune ; le soleil, symbole de la sagesse que doivent développer les hommes pour atteindre le nirvana* et une pleine lune, symbole de pureté et de réalisation.
Notons que le Bouddha se situe en dehors de la roue du samsara* c’est à dire qu’il est sorti du cycle de l’existence conditionnée et il pointe du doigt l’enseignement qui aide à rompre le samsara.
Sur le moyeu de la roue
Trois animaux se mordent la queue, un porc, un coq et un serpent. Chacun de ces animaux représente ce que l’on nomme dans le bouddhisme les poisons de l’esprit. Le porc symbolise l’ignorance de notre véritable nature, le coq symbolise le désir et le serpent symbolise la colère. Les animaux se mordent la queue parce que les trois situations interagissent et sont à l’origine de la condition douloureuse du samsara. C’est ainsi qu’ils font tourner la roue.
Pour le bouddhisme, les causes de la souffrance humaine se trouvent dans notre incapacité à discerner la véritable nature de notre esprit qui est vaste, lumineux et spacieux. De cette ignorance nait une dualité, une scission entre un sujet-observateur et un objet-observé. S’ensuivent des illusions qui conduisent au désir, à l’avidité mais également à la haine. Ce sont des obstacles qui empêchent l’individu d’atteindre la libération [en sk moksha*].
Dans le yoga, il est question des kleshas. Ce sont les causes de la souffrance, les obstacles qui empêchent l’individu d’atteindre la libération. On peut observer le parallèle entre le yoga et le bouddhisme car le premier klesha est également l’ignorance. On sait que le Bouddha étudia le yoga auprès de deux maîtres puis il les quitta pour suivre une voie d’austérité qu’il abandonna également avant d’atteindre l’éveil.
Le cercle médian
Ce cercle n’est pas présent sur toutes les représentations de Bhavacakra. Il est composé de deux scènes en regard qui représentent l’état intermédiaire entre la mort et la renaissance. D’un côté, on voit sur un fond noir des personnes entraînées par une chute douloureuse vers les états infernaux en raison de leur karma négatif. De l’autre côté sur un fond blanc, des personnages superbement vêtus, riches d’un karma favorable, s’élèvent vers la paix. Enseignement très direct du karma la loi de l’enchaînement des causes et des effets.
Nous aborderons le troisième cercle dans l’article Partie 2 : Bhavacakra, les six domaines de l’existence et le cercle extérieur dans Partie 3 : Bhavacakra, le cercle d’interdépendance.
Conclusion
Que l’on soit bouddhiste ou non, cette roue est un magnifique enseignement reposant sur l’examen de nos comportements, de nos émotions, de nos états d’inconscience et d’insatisfaction. Elle parle de notre vie quotidienne. Elle a traversé les âges, les époques et en cela elle reste toujours d’actualité y compris dans notre société moderne. Bien évidemment, il s’agit ici de la vision bouddhique du monde avec ses propres termes, ses représentations et la philosophie qui la sous-tent.
Annie
Nous remercions Caroline pour sa relecture.
Crédit Photo: Joël Rouby, avec mes remerciements chaleureux.
*Samsara : notion commune à toutes les traditions de l’Inde, littéralement existence cyclique. Ce qui transmigre d’une existence à une autre où le continuum de conscience, soumis à son karma renaît dans différentes conditions de la conscience.
*Nirvana : littéralement « au-delà de la souffrance » : l’extinction du désir entraînant la fin du cycle de renaissance.
*Moksha : désigne la libération finale dans l’Hindouisme et le Jaïnisme. C’est équivalent hindou du nirvana dans le bouddhisme.
Bibliographie
Alain Grosrey, Grand Livre du Bouddhisme, éd. Albin Michel 2007.
Philippe Cornu, Dictionnaire Encyclopédique, éd. Seuil 2001.
Tcheuky Sengué, Le temple tibétain et son symbolisme, éd. Claire Lumière 1998.
Les cours du Collège d’étude Bouddhiste que j’ai suivis durant quatre ans, avec beaucoup d’assiduité tant les cours d’Alain Grosrey étaient passionnants.