Merci Impermanence

Je suis un peu surprise que le confinement ne soit pas encore terminé, que déjà existe un mouvement pour penser à l’après dans cette culture de la rapidité, vite effacer ce que ce petit virus a pu nous donner à vivre intérieurement. Pourtant ce cher Covid-19, qui paralyse encore la planète, nous permet de nous confronter avec des lois naturelles qui sont ignorées dans notre monde moderne où l’action, l’agir sont au cœur de la société.

Ces lois naturelles sont de l’ordre de l’Être : le verbe et également notre être profond, notre nature essentielle.

Ce à quoi nous avons été confrontés dans notre premier saisissement du début du confinement, c’est à la loi de l’impermanence. Et oui, ce si petit Coronavirus nous rappelle que la vie est précaire. Notre société pressée et aseptisée donne le ton, ne pas en parler, ne pas y penser et si l’on ose en parler, on passe pour un sinistre, voire un déprimé. Pourtant méditer sur le sujet de l’impermanence ne rend pas malheureux, tout comme faire son testament ne fait pas mourir.

On ne peut pas dérouler son tapis ou s’asseoir sur un coussin, tous les jours sans être lucide.

Nous sommes installés dans une posture. Au départ tout va bien et progressivement s’installe une tension, alors nous revenons et nous constatons que la tension a disparu : loi de l’impermanence.

Nous respirons, l’air entre, l’air sort. Nous autres yogis aimons moduler notre respiration; mais que vivons-nous dans cette alternance si ce n’est la loi de l’impermanence ?

Nous sommes assis sur notre coussin, les pensées vont et viennent. Que pouvons-nous constater ? La loi de l’impermanence.

Nous sommes submergés par une émotion comme au début du confinement, cette peur de mourir qui s’infiltrait partout. Qu’en est-il maintenant ? Loi de l’impermanence.

Le soleil apparait et le monde se révèle doré et lumineux, le soleil disparait la nuit plonge le monde dans les ténèbres. La lune apparaît et le monde se révèle argenté et silencieux, la lune disparaît, l’aube chasse le crépuscule. Loi de l’impermanence.

Le printemps est là, la végétation bourgeonne, explosion de fleurs, pourtant le pétale du cerisier tombe annonçant l’été. Tout Change. L’été est là, les arbres se couvrent de fruits, la mer ondulante des épis a disparu sous la récolte annonçant l’automne. Tout change. Les plantes offrent leurs derniers fruits, les feuilles tombent, le soleil mordoré annonce l’hiver. Tout change. Les plantes sèchent et se cassent, la terre gèle, tout est en attente. Loi de l’impermanence.

Il y a cent millions d’années l’Everest n’existait pas, et aujourd’hui c’est la plus haute montagne de la terre. Tout change. Les sapiens que nous avons été ne ressemblent plus à ceux que nous sommes. Loi de l’impermanence.

Si nous laissons de côté les hypothèses plus ou moins scientifiques, les vérités établies, nos rêveries, si nous essayons d’expérimenter ce phénomène, c’est à dire de vivre en nous-même. Que pouvons-nous constater ? Que toutes les perceptions qui émergent dans notre corps et aussi dans la vie en général, sont ressenties comme apparaissant et disparaissant sans arrêt. Nous naissons chaque fois qu’une pensée ou une sensation apparaît, et nous mourons chaque fois que cela disparaît. Nous mourons chaque soir avant de nous endormir et nous naissons chaque matin. Nous connaissons l’impermanence parce que nous la vivons, mais sans conscience dans l’illusion de la permanence. Nous connaissons l’impermanence d’une certaine manière, car nous « connaissons » la permanence.

Nous pouvons nous demander qui observe tous ces changements ? Qui perçoit ces changements ? Cela apparaît où? Tous les sages le disent, c’est dans l’arrière-plan à partir duquel nous fonctionnons.

Certains l’appellent Être, Conscience, nature essentielle et pourquoi pas du nom d’un dieu si cela rassure. L’orientation proposée par toute perspective spirituelle est ce retournement : devenir conscient de la source. En d’autres termes, la conscience est consciente d’elle-même.

 Abhivanagupta (XeS) dans le Vijnana Bhairava tantra, nous donne l’orientation

« Si l’on parvient à stabiliser l’attention sur l’intervalle entre deux perceptions, et que l’on rejette simultanément l’une et l’autre, dans cette faille la réalité fulgure. » Stance 61

En fait, tout ce qui apparaît est là pour nous faire réaliser ce que nous ne sommes pas, alors Merci l’Impermanence.

Namasté,

Annie